La populaire émission Dans l’œil du dragon reprend de plus belle cette semaine. Je dois vous avouer que j’ai déjà été un grand admirateur de la version canadienne anglophone Dragons’ Den ainsi que de la version américaine Shark Tank.
À mon avis cependant, la formule devient redondante et j’ai décroché depuis quelques années. De plus, je suis toujours abasourdi par les erreurs effectuées par les entrepreneurs qui s’y présentent.
Au fil des ans, certains clients m’ont demandé de les aider à se préparer à passer les auditions afin de pouvoir pitcher (présenter) leur entreprise aux Dragons. Ils voulaient, comme d’habitude, que je leur donne l’heure juste sur leur situation.
Voici les quatre erreurs majeures qu’ils ont tous faites, et que vous pourrez sans aucun doute constater à la télévision encore cette année.
- La valeur de l’entreprise
Ils surestiment la valeur de leur entreprise.
Dans la réalité, les résultats actuels priment sur l’anticipation de la valeur. Mais dans ce contexte télévisuel, l’évaluation est toujours effectuée en fonction d’un futur extrêmement incertain et elle est encouragée par la production de l’émission (oups, je crois que je n’avais pas le droit de le dire). Dans la vraie vie, si vous faites ça devant un investisseur, vous perdez toute votre crédibilité d’entrepreneur parce que ça prouve que vous êtes rêveur (et donc junior) et beaucoup trop optimiste. Pensez-vous réellement que je vais vous prêter de l’argent si vous voyez la vie avec des lunettes roses, sans rien apporter de tangible pour appuyer vos dires?
- L’implication des Dragons après le deal
Ils pensent que les Dragons vont s’impliquer dans l’entreprise.
Bof… Je ne sais pas au Québec, mais je sais que dans les autres versions, ce n’est pas le Dragon mais plutôt son équipe qui s’occupe des investissements, et le Dragon offre un soutien concret minimum. Théoriquement, il vous prête de l’argent afin que VOUS fassiez la job, comme n’importe quel investisseur. Les Dragons ne sont pas des associés opérationnels et ce ne sont pas eux qui vont signer les contrats à votre place; c’est votre responsabilité.
- L’argent
Ils ont absolument besoin de l’argent des Dragons pour faire croître leur entreprise.
FAUX. Si c’est réellement le cas, c’est que leur entreprise ne va pas très bien. Une entreprise avec des résultats ordinaires peut facilement trouver de l’argent partout, malgré ce que l’on peut raconter.
- Le timing
Ils ne sont pas prêts.
Être prêt, c’est bien connaître sa propre entreprise, sa stratégie, ses clients, son modèle d’affaires, ses chiffres… Bref, il faut avoir acquis une certaine maturité entrepreneuriale avant de se présenter à ce type d’émission. Oups, c’est vrai; rendu-là, un entrepreneur n’a plus besoin de l’argent ou des contacts des Dragons, car il a ce qu’il faut dans son propre réseau pour atteindre les mêmes résultats (qui sont discutables, selon l’article du Journal de Montréal, consulter l’article ) et même plus.
Après avoir échangé sur les éléments précédents avec mes clients souhaitant participer à cette émission, je leur posais la question suivante : pourquoi souhaitez-vous réellement présenter votre entreprise aux Dragons si vous ne voulez pas vraiment leur vendre de parts?
Réponse : pour la publicité « gratuite » et la visibilité de l’émission.
Arrêtons de nous raconter des histoires. La seule et unique raison, c’est la visibilité.
Je conviens que ça peut être une belle visibilité. Elle est par contre éphémère pour ceux qui ne concluent pas d’entente, et il serait inapproprié de la considérer comme gratuite.
Plusieurs participants des dernières saisons l’ont appris à leurs dépens. C’est un risque énorme que de s’y présenter sans être préparé adéquatement, et cette démarche a fait planter plusieurs projets par le passé. De plus, c’est l’équipe de montage qui s’occupe finalement de ce qui sera présenté; le participant n’a donc pas le contrôle sur le message qui sera diffusé.
Plusieurs d’entre vous me rappelleront que j’ai souvent dit dans le passé que je voulais devenir un Dragon. C’est vrai. Les Dragons veulent faire fructifier leurs investissements. Point. La pression, elle est sur les épaules des entrepreneurs qui vendent leur projet.
Le défi : être bien préparé et surtout, éviter de se « brûler ».