On valorise beaucoup l’entrepreneuriat et le fait de se lancer en affaires, mais il est important de préciser que ce n’est malheureusement pas fait pour tout le monde.
Retour en arrière. Je me souviens d’une discussion que j’avais eue avec Frédéric Bonin, un collègue du Centre Formation Affaires de Saint-Anselme dans la MRC de Bellechasse, au début des années 2010. Nous avions alors un nombre impressionnant de candidats qui souhaitaient démarrer leur entreprise en profitant de la mesure Soutien au travail autonome (STA).
La STA est une mesure gouvernementale qui permet à une personne au chômage de démarrer son entreprise, de gagner des revenus avec ses affaires, sans voir ses prestations diminuer. En gros, elle permet d’être payé pour devenir entrepreneur en respectant, bien sûr, plusieurs conditions.
À l’époque, les efforts collectifs et concertés de tous les acteurs de développement économique de la région (CLD, SADC, chambre de commerce, CFP, Services Québec, etc.) dans la valorisation de l’entrepreneuriat avaient porté fruit. Pourtant, Frédéric et moi ressentions un certain inconfort à encourager plusieurs candidats à devenir entrepreneurs, sachant très bien qu’ils n’avaient aucune idée de la réalité entrepreneuriale.
C’est à partir de ce moment que je me suis mis à poser la question suivante dès mes premiers échanges avec les aspirants entrepreneurs : Es-tu conscient des vrais risques associés à la carrière d’entrepreneur?
Comme entrepreneur, il est essentiel de se poser cette question à chaque étape du développement de ses affaires. Pas juste avant de faire le saut. Avant et pendant. Parce qu’être entrepreneur, c’est loin d’être toujours rose. Oubliez l’image parfaite circulant sur les médias sociaux, avec les trois Tesla devant le château. Être entrepreneur, c’est dur. Et beaucoup plus que ce que les gens peuvent croire.
On parle beaucoup de la santé mentale des entrepreneurs dernièrement, mais il faut se rappeler que c’est normal de vivre du stress comme entrepreneur. Ça fait partie du jeu.
L’entrepreneur n’est pas un lion, un serpent ou un caméléon. Non. L’entrepreneur est un écureuil.
Être à son compte, c’est être un peu comme ce petit rongeur qui ne tient pas en place et qui guette le moindre risque fatal dans son environnement. Il fait des réserves pour l’hiver, change de trajectoire sans arrêt, reste en mouvement pour éviter d’être une cible trop facile et surtout, il reste aux aguets face à tout. TOUT LE TEMPS. Rien n’est acquis. RIEN. JAMAIS.
Voici quelques exemples de situations stressantes en rafale :
- Un huissier de justice qui cogne à votre porte un samedi matin;
- Un avis de cotisation du gouvernement reçu parce que vous avez négligé de remplir un formulaire;
- Le lancement d’un nouveau produit/service;
- Le développement d’un nouveau marché;
- Les comptes clients qui augmentent drastiquement;
- Un client qui étire le paiement de ses factures;
- La marge de crédit qui fond à vue d’œil;
- L’illusion de l’augmentation des ventes vs les liquidités dans le compte bancaire;
- Une perte historique après une année record;
- Réinjecter de l’argent pour payer les employés;
- Cesser de se verser un salaire pour conserver tous ses employés;
- Réhypothéquer sa maison pour survivre quelque mois de plus;
- Un investissement majeur sans garantie de revenu;
- L’ouverture d’un nouveau point de vente dans un centre d’achat;
- Un changement de modèle d’affaires;
- L’implantation d’une nouvelle technologie;
- Le manque de ressources humaines;
- Un employé qui quitte sans avertissement;
- Une tâche déléguée qui ne se fait pas;
- Un partenaire qui ne respecte pas ses engagements;
- Une gestion de crise médiatique;
- L’augmentation des délais de livraison de sa matière première;
- Une panne d’électricité qui immobilise tout le bureau;
- Un piratage informatique;
- Un client insatisfait qui tient des propos diffamatoires;
- Une poursuite au civil devant les tribunaux;
- Une plainte pour harcèlement au travail;
- Le vol de votre téléphone cellulaire dans un restaurant,
- Etc.
Il y a des situations que l’on peut prévoir en y réfléchissant, et d’autres qui sortent du champ gauche, sans avertissement préalable.
Quotidiennement, nous vivons des hauts et des bas. Durant les premières années en affaires, ou lorsque nous les vivons pour la première fois, nous avons parfois tendance à exagérer la gravité des situations négatives. L’anticipation et l’appréhension se dissipent quand l’entrepreneur prend son élan…
C’est dangereux de laisser tomber notre vigilance. La clé, c’est de conserver cet état d’inquiétude et de stress pour éviter de se reposer sur ses lauriers, sans toutefois tomber dans les problèmes d’anxiété.
C’est une question d’équilibre. Cet équilibre est nécessaire et vous en êtes responsable. Personnellement, je lis des romans policiers et je joue de la guitare pour conserver cet équilibre délicat. D’autres préfèrent gamer ou dévaliser les magasins! À chacun sa recette.
Vous devez trouver des points d’ancrage qui vous permettent de sortir temporairement de cet état pour éviter de vivre de l’anxiété. Ensuite, vous replongez dans vos affaires. C’est pour cette raison que j’ai rédigé un chapitre sur les points de repère dans mon livre ÉVOLUTION.
La vérité, c’est que plusieurs entrepreneurs ont besoin d’être déstabilisés régulièrement pour se sentir vivants et performants. Il faut donc chercher à nourrir le côté positif et motivateur au fait d’avoir le couteau entre les dents. Par exemple, si vous observez une baisse de revenus cet automne et que vous êtes affamé, c’est bon signe. Ne pas l’être devrait vous inquiéter.
Il faut être prêt à vivre avec cette inquiétude perpétuelle pour réussir. Comme un écureuil qui lutte constamment pour sa survie.